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Pseudo City: Chapitre 2 - Dégats collatéraux
 
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Cabanonbanonbanon

 
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Elizabeth Hidwell
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MessagePosté le: Mar 21 Jan 2014 - 19:40    Sujet du message: Cabanonbanonbanon Répondre en citant


Le vent survole les échoppes. Il caresse leurs auvents, taquine un peu les clients, accompagne la musique festive de ses sifflements doucereux. Noël approche, mais c’est comme s’il était déjà là. Au cœur de la place, les cabanons aux milles guirlandes ont remplacé les stands du marché hebdomadaire. Les chants et mélodies des fêtes ont remplacé les cris aguicheur des artisans et primeurs. Sorties en bande, promenades en amoureux, flâneries solitaires, les occasions ne manquent pas de rassembler les quartiers en cette place de neutralité.
Idyllique.

Ecœurant.
Le bonheur qui suinte par tous les pores de tous les êtres amassés sur les lieux, des sourires enfantins aux rires vomitifs, du faux romantisme à l’insouciance fraternelle. Tant d’horreurs pour ne faire qu’accentuer ce vide intersidéral qui vit en toi.
Ma Lily.
Ma douce Lily qui n’a que faire de ce que ces gens peuvent bien lui rappeler. Heureux ou malheureux – même si c’est plutôt le premier qui prime – c’est leur problème à eux. Ton regard n’est ni juge ni officier. Ni là pour blâmer, ni là pour mépriser.

Observer seulement.

Observer, comme trop souvent. Insensible à l’ambiance festive de cette fin d’année qui fait bien de s’achever, insensible à cette populace que tu observes sans vouloir t’y mêler.
Habituellement reine de glace, dont la présence n’est que rarement ignorée, tu as préféré cette fois te placer en retrait. Les yeux ont si souvent été portés sur toi que leurs brûlures ont commencé à en marquer ta peau. Être cheffe, être le cœur des ragots, la cible des rumeurs méprisantes, le centre de l’attention. Écœurant. Les mois ont passé depuis l’incident. Mais les tensions n’ont eu de cesse de croître, encore et encore. Messes basses, regards incendiaires, soi-disant insignifiantes petites violences. Une histoire à dormir debout sur une pseudo-reine de cœur qui aurait tenu tête au roi de pique. Les jaunes se divisent, renient leur chef ou accablent l’autre reine ; la reine méprise, son pseudo-peuple ne sait que penser, sa véritable fratrie se dresse contre l’autre roi. On n’avait pas besoin de ça.
On n’avait pas besoin de ça…
Chaque jour qui passe, ces mots te hantent, toi qui regrettes si amèrement ce qui n’aurait pas dû survenir dans de telles circonstances. On n’avait pas besoin de ça. Mais c’est arrivé. La division se crée au sein même des clans. Et plus Taylor s’efface, plus les tensions montent. Plus Taylor refuse de reprendre le dessus par la force, plus il crée de colère parmi ces jaunes et ces verts qui n’en peuvent plus de se défier du regard sans jamais pouvoir se mordre.
T’effacer. Arrêter d’exister pour cette ville. Retour aux sources.
Il est si bon, parfois, de ne plus assumer ce rôle. Il est devenu si lourd à tes épaules. Oublier ce pour quoi tu avances. Oublier ce pour quoi tu mens. Ce pour quoi tu triches. Ce pour quoi tu joues.

Des mois ont passé, oui. Des mois de labeur, des mois de solitude, des mois que tu abhorres.

Tes doigts se replient sur eux-mêmes, volent à la paume de ta main la chaleur qui leur fait défaut. Tu les portes à ton visage, souffle en leur sein dans une évasion de condensation. Un hiver froid sur Pseudo City. Froid et sec. Certainement pas de neige pour cette fois. Un Noël encore moins blanc que les précédents. Encore moins féérique. Pragmatique.
Tu souffles encore. La chaleur de ton corps suffit à peine à réchauffer tes doigts gelés. Que fais-tu là… Qu’attends-tu, seule dans ce froid…

Shpock.

Ton regard descend à tes pieds, jauge l’objet qui vient de choir sur les pavés. Insignifiant petit bruit mêlé au brouhaha de la foule. Insignifiant, et pourtant tu n’as presque entendu que lui.
Tu te relèves du bord de la fontaine qui te servait d’assise et ramasse le paquet de cigarettes avant qu’il n’ait eu le temps de prendre l’humidité. Et, plantée au milieu de cette foule qui passe et repasse au rythme incessant des comptines de Noël, tu fais courir ton regard en son sein, cherchant peut-être déjà vainement le propriétaire de l’objet.
Tant de visages. Tant de silhouettes qui s’approchent, s’éloignent, se bousculent et s’excusent. Des êtres qui s’adonnent à l’insouciance du dimanche festif. Tu détestes les regarder. Ma Lily qui n’a jamais su se lasser d’observer le monde, ces gens qui le peuplent, cette race humaine qui ne désemplit pas d’intérêts divers et variés. L’ivresse de se sentir ballotée par la houle, seule dans un océan tumultueux qui continue de faire chavirer sans se soucier de celui qui se noie. Jour sordide. Vomitif. Écœurant.

Mais il est encore si loin d’être terminé, ma Lily. Cette vie qui t’est innée te réserve encore tellement de surprise.

C’était comme dans ces romans à l’eau de rose où tout ne fait que trop se passer comme on le voudrait. Histoires fétides pour public précieux.
A quoi bon rester ici, alors que tu t’es plus d’humeur à travailler ? Le froid te gèle les os. Le bruit te martèle la tête. Leur joie te donne le haut-le-cœur. Repartir, tourner les talons, ignorer les responsabilités, pour une fois, rien qu’une seule. Et se heurter à lui alors qu’on avait enfin trouvé la force de fuir.
Lui.
Lui… ?
Le paquet de cigarettes que tu tenais toujours en main s’est laissé échapper pour s’en aller retrouver les pavés de la place qu’il a l’air de tant chérir. Un juron marmonné avant de relever le nez vers l’obstacle entre cet enfer et ton repos bien au chaud.

Un juron pensé si fort qu’il aurait certainement pu l’entendre lui-même.

Et les battements qui repartent. Un instant de confusion, un instant de remord, un instant de peur, un instant de plaisir. Tout cela noyé bien lourdement sous la culpabilité et le rejet.
Paradoxaux sentiments, pour un Refael que tu aurais souhaité ne jamais avoir rencontré. Jamais...?
Ah, oui. Il y a la douleur aussi. Qui te surprend autant qu’elle t’éprend. Des mots qu’il t’a jeté un jour et qui résonnent en ton crâne, la décision que tu as prises, les mois de silence qui ont suivi. Ces mois qui te paraissent maintenant une éternité. De nouveau seule dans ton monde, de nouveau seule dans ton hypocrite existence. Le retour à la normale après les instants de liberté qu’il t’avait offerts. Le retour à la normale, si douloureux… Quand on a cru retrouver le bonheur.

Mais ma Lily, toi tu souris. Ce sourire qui n’en est pas un, trop inexistant, trop vide. Celui-là même qu’il a tant haï. Alors que pas un seul instant tu n’as été elle aujourd’hui, c’est bien le masque de cette ignominieuse Elizabeth que tu arbores.
Tu as mis si longtemps à effacer son visage de tes pensées. Si longtemps à arrêter de tourner la tête vers son immeuble quand tu sortais du tien. Si longtemps avant de réussir à faire comme s’il n’avait été rien.
Mentir au monde, se mentir à soi-même. Finir par se croire. La crédulité du serpent qui finit par se mordre la queue.

Ref…

" Parmi les grands miracles de Noël : croiser les personnes les plus improbables alors qu'on est même pas sûr de se retrouver soi-même dans la foule. "

Mentir. Pour sauver parfois.

Et éprouver la douleur au lieu de la joie.


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Refael Heydon
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MessagePosté le: Ven 24 Jan 2014 - 23:11    Sujet du message: Cabanonbanonbanon Répondre en citant

Noël a toujours été une période de l’année qu’il adorait. Tout gosse, c’était les jolies décorations dans les vitrines des magasins qu’il découvrait sous un aspect plus joyeux, les rues qui se paraient de lumières aux milles nuances des guirlandes déposées sur les lampadaires ou au dessus des routes, clignotant selon un rythme prédéfini que cassaient les phares des voitures et leur allumage aléatoire pour s’associer à l’esprit festif, c’était la musique qui tapaient sur le système des adultes et émerveillait les enfants, l’émerveillait complètement, les frissons dignes d’une fin d’année glaciale qu’on combattait avec un chocolat brûlant, en collant au maximum les doigts au gobelet pour bénéficier de sa chaleur. C’était les rires, c’était la joie, c’était sa mère qui l’emmenait dehors pour profiter de l’insouciance d’une enfance qui se nourrit d’un rien, sa mère qui le gâtait, lui assurait que l’homme en rouge lui apporterait tous les objets sur lesquels il craquait lors de ces sorties, mais qui finissait par le freiner tant sa curiosité le poussait vers chaque détail que son regard embrassait. C’était le bonheur de déballer les cadeaux en déchirant le papier pour ne pas attendre, de l’arracher par grands gestes et de l’étaler partout autour de lui, comme pour mettre en valeur ce qu’il renfermait, le soulagement de voir que si l’homme en rouge n’avait pas pu tout lui apporter parce que sa hotte était trop petite et qu’il n’était pas le seul petit garçon à contenter, il lui avait quand même offert quelques unes des choses qu’il avait choisies, et toujours celles qu’il désirait le plus. C’était beaucoup d’explications qu’il n’avait pas, tout un environnement qu’il dévorait avec ses yeux d’enfant et la naïveté qui conférait à l’ensemble toute une ambiance qui même à l’âge adulte, a laissé une emprunte indélébile en lui. A Noël, tout le monde était heureux, sa mère était heureuse, et s’il n’est plus dupe sur la comédie qu’elle se forçait à jouer pour lui, il ne peut s’empêcher, aujourd’hui encore, d’attribuer à cette fête quelque chose de magique.

Pourtant, il n’est plus avec sa mère. Sa mère a fait le choix de rester avec un homme qui ne la méritait pas, qui ne méritait pas qu’on s’arrête sur lui qui qu’on soit, alors peut être que c’était parce qu’il était petit et qu’elle voulait le préserver du drame que représente un divorce conflictuel, peut être qu’elle n’a pas la force de s’en aller et qu’elle ne l’aura jamais, peut être aussi qu’elle ne se rend pas compte qu’elle est aussi triste que la vie qu’elle passe avec ce type. N’empêche. Pendant les heures que duraient leurs ballades dans une ville ou une autre, les partages de chichis sucrés au milieu des chalets hors du temps, les jours qui le séparaient de Noël et qui s’éternisaient peu après, elle semblait heureuse. Et il se sentait aimé.

Aujourd’hui, il n’est plus un enfant. Le vin rouge a remplacé le cacao, le comptoir des chalets est beaucoup moins haut qu’avant. Il sait que les gens qui l’entourent ne sont pas tous réellement heureux, que certains font semblant et que d’autres ne prennent pas cette peine pour eux-mêmes ou pour les autres, que d’autres encore ne le seront sans doute jamais vraiment. Il a compris que le décor ne fait pas le tempérament, qu’il lui suffit pas d’être ébloui par quelques loupiotes pour que le monde soit foncièrement différent l’espace de plusieurs semaines. Osef. Lui, il est bien, assaillit par le froid et rêvant de la température de l’appartement qu’il doit rejoindre dans peu de temps. Et dans sa poche, il a un cadeau. C’est pas grand-chose, une bricole, mais ça devrait plaire à la fille qui se blottit contre lui si naturellement qu’elle parait même pas capter qu’elle le fait.

Il sait qu’elle est comme ça, et ça lui convient totalement. Tactile, adepte de la proximité même si elle connaît quelqu’un depuis moins d’une minute. Quoi que. Des fois, il se demande si elle l’est pas un peu plus avec lui. Ces coups d’œil qu’elle lui adresse de temps en temps, cette manie qu’elle a de souvent se placer à côté de lui même quand ils sont en groupe. Mais c’est pas tout le temps, et elle a rien tenté de concret avec lui, alors il se pose pas de question. Ça l’emmerderait juste un peu qu’elle tente, à vrai dire, parce qu’il la voit pas autrement que comme une pote, et que s’entendre dire ce genre de trucs fait jamais plaisir quand on espère davantage. Pas pire que d’être considéré comme une frangine, mais quand même. C’est une fille comme il les kiffe, du genre à pas se prendre la tête sur la dégaine qu’elle a, à s’habiller de vêtements hauts en couleurs et à donner l’image d’une nana pétillante et sûre d’elle, une illusion qui tient la route tant qu’on ne cherche pas à creuser plus loin. Un bras autour des épaules de ce petit truc à la coiffure bancale – deux macarons sur le crâne qu’elle n’a pas été foutue de former à la même hauteur, un brun et l’autre blond comme l’ensemble de sa chevelure contrastée à partir de la raie qu’elle trace légèrement sur la gauche –, au manteau patchwork et à la taille ridiculeusement petite par rapport à lui qui n’est pourtant pas si grand, il ne sait que trop bien quelle fragilité se dissimule sous l’apparente joie de vivre. Cette fille n’est pas de son clan, mais qu’importe. Il en a rien à carrer des clans. C’est rien de plus qu’une connerie pour diviser les gens, preuve en est depuis que Jaunes et Verts s’affrontent du regard et y joignent parfois le poing. Il s’en fout royalement qu’Emily soit Dashinger et pas lui. Elle adore se coller à lui à la moindre occasion, et puisque ça ne revêt aucune ambigüité, il aime lui attribuer cette place.

Petit choc contre son dos. Instinctivement, il tourne la tête pour scruter par-dessus son épaule, et ne réalise pas tout de suite ce qu’il voit. Quand il réagit, il délaisse Emily pour pivoter sur lui-même, et par la force des choses, l’incite involontairement à faire de même pour se poster face à celle qui interrompt le fil tranquille de leur sortie de groupe.

Elle sourit. Par mimétisme, il lui rend son sourire. Un sourire neutre, aussi dénué de rancœur que l’est son regard posé sur elle, aussi neutre que son expression à elle est fausse. Mais il s’en fout, il fait pas attention. Tournant le dos aux trois Haughters devenus curieux parce qu’il a arrêté de leur parler au plein milieu d’une longue phrase, à côté de la petite Dashinger qui fronce le nez devant celle qui lui oppose tant d’assurance et de distance froide, entouré par les bruits et les odeurs qui ne peuvent que garder son humeur au beau fixe, il sourit machinalement.

« En même temps, fallait bien qu’on se recroise un jour, la ville est pas si grande. »

Evidence dont il ne saisit que peu l’importance. Des mois qu’il ne l’a pas vue. Les premiers jours de colère ont laissé la place au questionnement, et l’indifférence leur a succédé. C’est comme si elle n’avait jamais existé. Seul dans l’appartement qu’elle lui a fourni ou y invitant qui voulait y passer une soirée décompression, aidé par sa décision de ne plus allumer l’ordinateur qui pouvait peut être encore les relier et de le reléguer dans le fond d’un placard qu’il n’ouvrait jamais, il a fini par se détacher d’elle, persuadé de s’être fait entubé, résigné à l’idée que l’absence valait mieux que la fureur. Comme il s’est échappé du mal être de sa mère, il n’a pas cherché à recontacter Elizabeth, et ne lui a pas donné les moyens de le faire en retour. Mais fallait bien que ça arrive. En fait, il est même surpris de ne pas l’avoir aperçue plus tôt, au détour d’un virage, au loin installée sur la terrasse d’un café. Peut être qu’elle s’est éclipsée et revient tout juste en ville. Mais à vrai dire, c’est pas son problème, à lui.

« J’te présente Elizabeth, une connaissance. C’est son mec qui s’occupe des Haughters. »

Bien sûr que toute Dashinger qu’elle est, sa jeune voisine sait qui elle regarde, au moins autant qu’elle a déjà repéré le chef des Sinewyers. Ces deux là ont tellement fait parler d’eux ces derniers mois …

Une connaissance. Emily est incapable de deviner tout ce qui se cache derrière cette appellation, tout ce qu’il renie pour en arriver à ce titre basique et dénué d’affect. L’attraction, l’émotion, l’intérêt, le désir, la protection. Le sang qui a monté quand elle s’est faite attaquer, la rapidité dont elle a fait preuve pour lui venir en aide. L’étrange lien qui les poussait à sans cesse se confronter, qui l’a poussé à s’inquiéter pour elle, la fatale colère qui a tout anéanti. Le rejet. Et maintenant, la persuasion que rien n’a compté. Se persuader soi même, le faire croire aux autres.

Forte de son ignorance, Emily semble rassurée. Si ça se trouve, elle a vraiment un kiff sur lui. Il pense pas à s’en préoccuper pour l’instant. Ce qu’il souhaite, là tout de suite, c’est écourter la discussion avec l’autre brune, qu’elle retourne dans son monde, dans ses mensonges. Dans son néant. L’avoir occultée n’implique pas qu’il ait oublié pourquoi il l’a repoussée, et s’il le pouvait, il l’enverrait proprement péter. Mais on ne montre pas d’impolitesse la plus cassante à une connaissance. Avec de la chance, un échange de banalités d’usage, et ça sera terminé. Elle n’existera plus, de nouveau.

« Alors, simple promenade en solitaire ou emplettes de Noël ? »

You win, dude … D’une banalité affligeante.

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Elizabeth Hidwell
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MessagePosté le: Mer 29 Jan 2014 - 12:06    Sujet du message: Cabanonbanonbanon Répondre en citant


Le sourire mécanique. Devenu si dur à tenir.

Tu as égaré ton regard sur le sien, un instant, si court que le doré qui hante tes souvenirs ne t'a pas semblé en être. Et puis tu l'as regardée, elle. Emily. C'est drôle. C'est drôle comme les choses changent. Comme le monde avance, à son propre rythme, sans que tu n'en vois rien alors que tu as des yeux partout. C'est drôle comme les gens se rencontrent, s'apprécient, s'oublient, en rencontrent d'autres encore qui marqueront peut-être leur vie. C'est drôle. Drôle à faire pulser le coeur de glace qu'il t'a fallu réemprisonner après lui. Drôle, parce qu'à chaque fois qu'il cogne, c'est un coup de couteau qui se fait ressentir.
Il n'était rien, Lily. Juste l'objet d'une fascination certaine dont une relation approfondie aurait pu justifier ta réaction. Mais il n'était rien.

Il n'était rien, et pourtant cette poitrine t'oppresse.

Est-ce le résultat d'une frustration que tu sembles désormais seule à ressentir, mêlée à l'humeur morose dans laquelle tu as baignée ta journée ? Certainement. Pourquoi a-t-il fallu que tu te heurtes à lui...? Si seulement tu n'avais eu qu'à partir, simplement.
Alors que tu observes la fille que tu reconnais comme étant Dash, tu devines son regard à lui sur toi. Un regard tout ce qu'il y a de plus banal. Un regard que tu aurais peut-être préféré plus torturé, ma cruelle petite Lily qui craint encore de croiser ses prunelles dorées.

Derrière le couple, tu aperçois quelques Haughters. Des gars sympas, de ce que tu en sais. L'un d'entre eux a déjà eu à bosser avec Shinji et toi. Vague mouvement de tête qu'il t'envoie. Effort pour rester de marbre et faire de même.
Et puis sa voix te parvient en réponse à cette phrase inutile que tu as sorti d'on ne sait où. Une voix qu'il est étrange d'à nouveau entendre. Déstabilisant... dans ces conditions.

« En même temps, fallait bien qu’on se recroise un jour, la ville est pas si grande. »

C'est pas faute d'avoir tout fait pour l'éviter. Mais il faut se rendre à l'évidence, ma Lily. Tu fatigues. Tu perds tes repères. Bien sûr... Tu as fini par être négligente. Tu n’es pas surhomme, tu ne pouvais pas tout surveiller en même temps. Mais tu ressens cela comme un blâme. « Regarde-moi, ma vieille, tu m’as laissé partir, sans même sourciller, assume les choix que j’ai fait à partir de là ».

« J’te présente Elizabeth, une connaissance. C’est son mec qui s’occupe des Haughters. »

Pincement. Il s’adresse pas à toi. Il te la présente pas, à toi. Il remet Shin sur le tapis. Mais par-dessus tout, ma Lily… tu n’es qu’une connaissance.
Et cette remarque te décoche un sourire. Pas de ceux que tu forces ou que tu arbores pour faire bonne figure, non. Juste un sourire. Railleur. Moqueur. Amer.
Oui, Lily. Ça fait tellement mal...
Le brouhaha te semble désormais insoutenable. La présence de la foule trop oppressante pour ne plus te sentir noyée, suffocante en son sein. Partir. Partir d’ici, fuir lamentablement. Hurler sur tous ces choix que tu fais, qui te semblent justes mais qui malgré tout te consument à petit feu. Pleurer les pertes et s’engager plus promptement encore sur le chemin de l’autodestruction. Tu as choisi, Lily. Tu as choisi de vivre cette vie. Et que feras-tu alors, le jour où les remords deviendront des regrets ? Que feras-tu… Tu as perdu Alex, tu as perdu Alessa, tu as perdu Jake. Maintenant Refael. Tu avortes les liens avant même qu’ils ne se créent mais la frustration qui en découle ne fait qu’embrumer plus encore ton esprit de sentiments erronés qui n’existeront jamais et dont tu ne parviens à te défaire. Tu as mal, Lily. Et ce mal, tu le mérites tant et si bien.

Perds-le donc, ma belle. Perds-le s’il est celui qui parviendra à te faire réaliser tout ce que tu rejettes pour ta cause désespérée.

Perdre. Encore. Mais ce n'est rien. Perdre n'est plus rien désormais. Tu es morte il y a bien longtemps déjà, quand c'est Alex que tu as abandonné.

Alors, Lily... Pourquoi ce mal à l'intérieur de toi ?

Fuir. Agir comme l’enfant que tu aimerais parfois être. Ou bien le reprendre. L’arracher des mains de cette fille dont le regard en a dit long quand il t’a qualifié de simple « connaissance ». L’arracher des mains de quiconque voudrait encore te le prendre. Succomber à la folie. Succomber à la liberté.
Et arrêter de rêver.
Tu as trop mal pour penser. Douleur inutile et injustifiée à ton sens.
Et puis tu t’efforces de remettre la machine en marche.

« Alors, simple promenade en solitaire ou emplettes de Noël ? »

Tu viens planter ton regard dans le sien. Jouer contre la fébrilité de devoir affronter ces perles d’or qui te font tant tressaillir. Soutenir son regard jusqu’à ce qu’il en fuie, te couper du monde un instant, pour n’être qu’avec lui.
Et puis il y a ce dernier sourire. Simple. Léger. Incroyablement triste à quiconque connaît les vrais. Tu déposes ta main sur son bras au moment où tu commences à te détourner. Et à mesure que tes pas t’éloignent de lui, cette main frigorifiée s’échappe, s’en retourne à sa propriétaire.

Disparaître dans la foule. Disparaître tout court. Tu voulais rentrer, mais tu as maintenant besoin de réfléchir. Des pensées d’adultes, douloureuses et ennuyeuses. Des pensées dans lesquelles tu te vois le laisser partir. Le laisser aux mains d’une femme ou d’un homme qui saura lui donner ce dont il a besoin.
Des pensées injustes.
Des pensées rageantes.

Déjà-vu.


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MessagePosté le: Sam 1 Fév 2014 - 09:16    Sujet du message: Cabanonbanonbanon Répondre en citant

Il y a Emily, petite chose attachiante qui, d’une certaine façon, lui fait tourner la tête. Pas comme une amante, pas comme quoi que ce soit de pervers ou de complexe, encore moins de malsain. Emily est étrange, Emily est ce qu’elle ne montre qu’à peu de gens. Emily le lui a montré. Depuis, il s’est quelque peu attaché à elle. Pas au point de tout plaquer pour la suivre si sur un coup de sang, elle décidait de s’en aller pour ne jamais revenir. Mais il n’hésiterait pas à faire des kilomètres pour l’aider, avec ou sans moyen de transport. Emily l’a ému, et pour elle, il a un cadeau de Noël.

Il y a les trois Haughters en arrière plan, ces mecs qui n’en ratent pas une et n’ont pas besoin qu’on insiste pour se retrouver et se retourner le cerveau, qu’on les appelle à quatre heures de l’après midi ou du matin. Comme lui, ils s’amusent d’un rien et gueulent quand quelque chose leur plait pas. Comme lui, ils ont haussé le ton devant le gérant d’un magasin qui les pistait comme des voleurs juste parce qu’ils avaient l’âge et la dégaine pour être direct catalogués délinquants. Ok, ils ont piquées des bouteilles ce jour là, mais c’est pas la question. Ces gars là lui fournissent le divertissement dont il a besoin, et son tempérament lui en impose beaucoup.

Et puis il y a Elizabeth. Le froid, la distance. Le reste amer d’une vie récente et déjà ancienne, le souvenir qui lui a échappé avant qu’il ne puisse réellement l’ancrer. Le glaçon dans son écrin de sensualité dont la chaleur l’a pris pour cible, et qui aujourd’hui n’a pas plus d’effet sur lui que la présence du petit truc près de lui n’éveille ses envies bestiales. Pas davantage, et l’affection en moins.

Entouré de ceux qui façonnent sa vie d’ado trop peu soucieux de l’existence d’un lendemain et de ses implications, il n’a que vaguement conscience du cheminement qui s’est opéré en lui au sujet de la jeune femme droite et tendue, elle qui est là tout en restant loin. C’est comme ça. Il lui a laissé sa chance, et pas qu’une fois, pour aucun résultat. Elle a menti, bafoué, joué avec lui qui ne demandait qu’un peu d’authenticité en échange de la sienne. Elle n’a répliqué à ce cadeau que par la bassesse et la séduction, elle n’a pas su saisir ce qu’il lui donnait sans espérer d’autre contrepartie qu’une vérité non masquée lorsqu’ils n’étaient qu’à deux. Il attendait même pas d’elle qu’elle change de vie, qu’elle renonce à ses plans foireux, juste qu’elle baisse sa garde avec lui. Lui, qui aurait pu lui apporter simplicité et détente, au moins. Mais il n’a eu en réponse qu’un mensonge de plus. Elle lui aurait serré le paquet en souriant, dans la semi pénombre de ce placard étroit, que ça aurait pas été plus clair. On aide pas ceux qui veulent pas être aidés, on aime pas ceux qui n'acceptent pas qu’on les approche. Alors aujourd’hui, il la regarde avec l’égard qui convient à une banale connaissance, et il le calcule pas vraiment.

Pourtant, sa faiblesse le touche. L’hésitation qui dégouline de son attitude presque craintive, la trouille qu’il ne lui connaissait pas. Elle évite, elle semble vouloir disparaître. Elle l’étonne par sa réticence, cette nouveauté qui interpelle Ref malgré lui. Il s’est habitué aux recherches inlassables d’un regard à affronter, d’un point de vue à confronter, et cet après midi la lui fait découvrir mal à l’aise. Fuyante, alors qu’elle a su se camper devant l’arme et la rage de deux types insultés. Elle essaie bien de donner le change, mais ça dure seulement un temps, et pour lui ça prend pas vraiment. Chacun des mots que prononce naturellement le garçon porte un coup à la défense féminine jusqu’à ce qu’enfin, elle jette les armes et s’ouvre à lui. Enfin.

Et cette victoire est étonnamment savoureuse.

Un instant. Juste quelques secondes où elle lui renvoie le contrecoup de sa totale indifférence, où elle oublie de se faire discrète pour endosser le rôle qu’il lui préfère. Combattante.

C’est ça, Lily. Oppose toi à moi.

Fierté de l’or et profondeur de l’océan. Couleur chaude et couleur froide, dualité idéalement illustrée dans ce face à face empli de défiance et de refus de céder le premier, le temps d’un combat que Refael mène sans y penser.

Et puis elle prend congés, le laissant sans réponse. Bah, c’pas comme s’il s’intéressait vraiment au programme de la brune. Un ultime sourire, terne comparé à ceux qu’il lui a vus auparavant, si terne bon sang, si terne qu’il lui fronce brièvement les sourcils dans un début de moue soucieuse, et elle le plante sans rien d’autre que la furtive réminiscence tactile sur son bras, contact presque maladif entre eux, qu’il n’approfondit pas. Elle évite, elle élude, et c’est seulement quand elle s’éloigne qu’il réalise qu’une boule de tension lui barrait le bide, nervosité inexplicable qu’il relâche dans une longue expiration silencieuse.

« Qu’est ce que je l’aime pas cette fille ! »

Voix claire en contrebas, exprimant un sentiment avec une spontanéité qui aide l’ado à revenir à l’instant présent en se détachant brusquement de l’impression née en lui de la plus inattendue des façons. Il porte son attention sur la fausse demi blonde, vrille vers elle ses iris interrogateurs puis rapidement amusés.

« C’est parce qu’elle a plus de seins que toi. »

La provoc’ lui vaut un rire des potes qui partagent l’avis d’Emily et n’ont pas décroché un mot depuis l’arrivée de leur supérieure hiérarchique, et un taquet de la fille qu’il évite de justesse en se marrant lui aussi. La discussion repart, on oublie qu’on parlait de sport pour baver sur Elizabeth toute l’acidité qu’elle s’attire. Rumeurs et commérages, exagérations qu’il a déjà entendues pour certaines. Il n’y a jamais pris part et le fait pas non plus cette fois. Il paraît qu’elle appâte les proies qu’elle repère en les faisant rêver à toute l’étendue de son pouvoir sexuel, et qu’elle les attache au lit pour les plumer pendant qu’ils crient leur impuissance, quand elle les endort pas d’une poudre qu’elle fait tomber dans la boisson qu’elle leur offre. Il paraît que le Chef n’est avec elle que parce qu’elle connaît un secret qu’elle menace de divulguer s’il ne cède pas à ses caprices d’enfant que la vie a pourrie et que les parents ont trop gâtée. Il se dit aussi qu’elle a été un homme dans le passé, et qu’elle a quitté la maison pour devenir femme parce que cette fois là, ses vieux lui ont pas passée cette lubie ; les seins seraient faux, la teub bien planquée sous ses futals, et la drague compulsive serait une vengeance envers toutes ces années à être ce qu’elle ne ressentait pas.

C’est pas Elizabeth, pas ce qu’il croit connaître d’elle. Elle se veut dominatrice, mais s’écrase devant plus fort qu’elle. Elle se nourrit de manipulation, mais n’a besoin de personne pour obtenir ce qu’elle veut, ne veut d’ailleurs personne à ses côtés pour y arriver. Elle envoûte, elle embrase, mais rien n’est faux dans son corps, son corps qui n’a pas su mentir sous ses caresses comme l’ont fait ses paroles. Faussement attentif aux interprétations qu’elle suscite, bénissant l’enthousiasme d’Emily dans cette activité qui lui fait oublier de se questionner sur le silence du garçon, il reste étranger à elles. Sans les démentir, sans contredire ceux qui s’essaient à dresser un portrait de la brune à l’aide des on-dit qui passent de bouche en oreille au détour des rues de la ville, il les laisse dire. Qu’ils parlent, puisqu’il n’a aucun intérêt à redorer l’image de la Reine. Qu’ils parlent.

Ils n’étaient pas avec eux dans l’abri de chasseurs.

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